Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître… Personne en ce temps-là, n’avait YouTube chez soi.
On ramait pour obtenir des archives, et tout le monde avait vu le peu de videos officielles qui existaient: les films Wild Style, Beat Street et Breakstreet 84; les Freestyle Sessions, les Radiotron, les Battle of the Year, les cassettes de Wiggles, entre autres… On pouvait se procurer des K7 video auprès du magasin Moudjahidin à Châtelet-Les-Halles ou de Prince Sofiane, fournisseur officiel de l’underground. Certains avaient des trésors chez eux, mais ne les montraient qu’à leurs proches amis. Bref, on était loin de l’avalanche de videos qu’on voit aujourd’hui sur YouTube, TikTok, Instagram, etc.
Il n’y avait que peu d’événements, et les battles étaient rares. La flamme était toujours présente, avec un noyau dur de passionnés qui continuaient à s’entraîner pour le kif, à enseigner, ou à créer des spectacles: Aktuel Force, Käfig, Ykanji, Acrorap, Boogie Lockers, Boogi Sai, Black Blanc Beur, … Les créations passaient lors de festivals comme les Rencontres Urbaines de la Villette ou le Festival Suresnes Cités Danse.
L’explosion n’est arrivée que plus tard. A cette période de la fin des années 90 / début 2000, il n’y a donc que peu de danseurs. C’est un petit milieu où tout le monde connaît tout le monde.
Les danseurs (notamment les breakers) s’entraînent à côté de la piscine des Halles, Place de la Rotonde.
D’autres vont à La Défense. D’abord dans le Foyer de l’Arche, puis Place de la Coupole. C’est très underground, il n’y a pas de lieu “autorisé”. D’ailleurs, plus personne ne peut s’y entraîner nos jours, sous peine d’être chassé par les flics.
Puis il y a les écoles de danse où enseignent certains “grands” de l’underground : Studio Harmonic, Paris Centre (Rick Odums) et Cité Véron entre autres.
Non loin de Cité Véron justement, il y avait le MCM Café. Ce pub organisait tous les dimanches après-midis des Jams, où plusieurs générations de danseurs venaient bouger sur les galettes de Funk, Soul, Breakbeat, Hip Hop jouées par DJ Chabin, DJ Siens et DJ D.Namit. Poppers, Lockers, Jazz Rockers, Breakers, tous ceux qui avaient le coeur à danser s’y retrouvaient.
Rajdi était le maître de cérémonie. On était sûr d’y trouver de la bonne musique, et des cercles de danse avec du niveau. Certaines fois, il y avait même des battles improvisés.
Un de ces dimanches, un battle s’organisa donc à la volée. Pas de préselections, pas d’inscriptions, pas de frais de participation. Ca n’avait rien en commun avec les événements organisés qu’on trouve de nos jours. Lorsque Rajdi demanda qui voulait participer, je fis signe à mon prof, mon sensei, celui qui m’avait appris à popper : Fox.
Il me dira des années plus tard qu’il n’avait pas spécialement envie de participer, mais c’était l’étincelle dans mon regard qui l’avait décidé. Nous faisons donc le battle, mais il dure plus longtemps que prévu. La finale aura donc lieu la semaine suivante. Une longue, très longue semaine, où je dois me préparer à danser contre des danseurs bien plus expérimentés et talentueux que moi. Mais je ne dois pas décevoir Fox, je dois y aller !!
On enchaîne les passages, car personne ne veut rien lâcher. Après une demi-heure de battle, le verdict tombe : ex-aequo. Je ne sais pas par quel miracle!
J’étais pourtant loin d’imaginer que les images allaient être diffusées à si grande échelle.
Le DVD est arrivé un beau jour dans les rayons de la Fnac et du “Virgin Megastore” des Champs Elysées (RIP ^^), sans que personne n’ait été mis au courant. Sa sortie est donc un événement! Et tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la danse Hip Hop le regardent.
Les passionnés le savent bien: ca n’a pas du rapporter beaucoup de thunes! Et on a gagné un joyau au passage, le récit en images d’une époque. Les danseurs apparaissant dessus n’ont donc cédé aucun droit à l’image. J’ai été payé avec un DVD envoyé à domicile.
Je vous partage la plupart des videos qu’il contient. J’espère que les personnes qui ont réalisé ce DVD ne m’en voudront pas, mais cela fait vraiment partie du patrimoine de la danse en France, et c’est devenu quasi-impossible de le retrouver.
ENJOY
Jazz Rock
Battles B-Boying
Battles Popping – Boogaloo
Bonus : Les styles de danse
Bonus : L’Epopée Wanted Posse