Norman PHILIP est ce qu’on pourrait appeler un précurseur dans le monde de la danse. Ostéopathe de formation, il s’est spécialisé dans le soin des danseurs Hip-Hop. Aujourd’hui, les organisateurs de battles font appel à ses services…
Tony Twist : Comment t’es-tu mis à soigner les danseurs ?
Norman Philip : J’ai commencé avec la compagnie Mayemba à Sarcelles, en 2006. Petit à petit, j’ai découvert l’univers de la danse Hip-Hop et j’adorais travailler sur des bons sons. J’ai de toute façon toujours été très influencé par la culture hip hop, c’est ce qui m’a donné l’envie d’aller dans les battles.Depuis le Battle Bad 2012, j’interviens pour soigner les danseurs sur beaucoup d’événements: Cergy Original Floor, Juste Debout, Jam Just 4 Rockers, Battle Bad 2013, … ainsi que l’émission Dance Street.
J’ai travaillé un peu à la Juste Debout School en tant qu’enseignant d’anatomie, physiologie, nutrition et diététique.Mon but est de faire prendre conscience aux danseurs les plus jeunes, que pour être pro il faut acquérir de réelles aptitudes physiques. Aimer danser est une chose, mais vouloir en faire son gagne-pain en est une autre qui demande beaucoup de rigueur et de méthodologie… Salah est un des meilleurs exemples de ce qu’un danseur devrait mettre en pratique.
Justement, que fait Salah que les autres ne font pas ?
N.P. : Il a vraiment adapté son mode de vie à sa pratique de la danse. Au fil de son évolution il a su améliorer la qualité de son alimentation et de son hydratation. Il fait de la musculation spécifique, du cardio, des échauffements et des étirements tous les jours : c’est un vrai sportif de haut niveau !
Chaque fois que je vais voir l’ostéo, il me dit de plus danser pendant 3 jours. Comment est-ce que ça se passe dans les battles : si un danseur vient te voir tu lui dis de plus danser ?
Il faut bien comprendre qu’il y a une différence entre une séance de 45 minutes en cabinet, qui s’inscrit dans une logique de corrections fonctionnelles « importantes » nécessitant un temps de ré-adaptation des tissus, donc de repos, de la part du patient. Et une séance de 20 minutes lors d’événements qui a pour but d’améliorer les performances par un « réglage fin de la machine ». Un peu comme le mécanicien auto de chez ton concessionnaire et le mécanicien que tu vois dans les stands lors des courses de formule 1, les 2 travaillent sur des voitures mais se ne sont pas du tout les mêmes modèles et leurs interventions n’ont pas le même but. Ici les patients n’ont pas les mêmes attentes donc l’acte effectué n’est pas le même qu’en cabinet. Moi-même je ne travaille pas dans un même optique, avec mon patient, s’il vient me voir en semaine ou sur un évènement.
J’ai aussi fait plusieurs fois l’expérience de demander aux danseurs de s’arrêter 3ou 4 jours. Il y a ceux qui te disent “oui oui” et dans la seconde où t’as tourné la tête, ils sont dans le cercle à taper des phases de ouf… Fais leur la morale et ils te répondent tous “je sais, je sais mais c’est pas possible!”. Les autres pensent que c’est mieux de ne plus consulter parce qu’ils n’ont pas la liberté de prendre 2 ou 3 jours de repos derrière.
Dans les 2 cas la réaction n’est pas la bonne. L’ostéopathie a pour rôle fondamental d’entretenir et améliorer la bonne santé, pas de réparer quand ça ne fonctionne plus, surtout pas dans le sport. Il a donc fallu trouver des compromis techniquement fiables pour palier au manque de repos.
Quels sont ces compromis ?
J’impose aux danseurs d’inclure des techniques d’échauffements et d’étirements rapides et très spécifiques à leurs entrainements quotidiens. Ensuite on travaille sur l’alimentation et l’hydratation qui sont des vecteurs très très importants pour l’entretien et la récupération. Cela fonctionne plutôt bien.
Quelles erreurs constates-tu le plus chez les danseurs?
Beaucoup connaissent mieux le fonctionnement de leur smartphone que celui de leur propre corps, Ils dorment peu, s’alimentent très mal, ne s’hydratent pas… Ils ont beaucoup de mal à intégrer que le repos fait partie de l’entrainement. Pour eux repos rime avec perte de temps. Pourtant, le repos est une des clés de la pérennité des performances… Trop souvent, ils traînent des douleurs pendant plusieurs mois, pensant que « c’est normal d’avoir mal » ou que « ça va passer tout seul ». Le sport peut vite devenir dangereux pour la santé dans ces conditions.
Leur corps, c’est leur seul outil… Les organisateurs de battles et d’évènements, de leur côté, ne facilitent pas toujours la tâche en mettant à disposition des aliments et des boissons qui ne devraient jamais se retrouver dans l’assiette ou le verre de sportifs de haut niveau. Je sais qu’il n’y a aucune mauvaise volonté mais, encore une fois, de la méconnaissance.
Pas très rassurant tout ça, que conseilles-tu?
N.P. : Il n’y a pas non plus de quoi s’alarmer. La danse Hip Hop connaît un engouement qui justifie qu’elle soit mieux encadrée, qu’elle fasse preuve d’une vraie discipline, particulièrement pour le bien des plus jeunes. Il y a une éducation à mener sur différents axes : comportement, alimentation…Et l’ostéopathie a un grand rôle à jouer.Elle l’a démontré dans une multitude d’autres disciplines comme le football, le basket, le handball, les arts martiaux, et ses cousines les danses classiques, modernes et contemporaines. En fait, il reste très peu de domaines sportifs qui n’aient pas été convaincus par l’efficacité de l’ostéopathie. Mon travail est de créer une relation solide et durable entre ostéopathie et Hip Hop.
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